The Moon on a Rainy Night, pour réfléchir avec tendresse

Go for it Saki !!

Ces dernières années, l’offre en termes de mangas yuri en France s’est plutôt raréfiée. Les choses semblent néanmoins en bonne voie pour changer, avec plusieurs éditeurs proposant des nouveautés du genre pour ce mois-ci (et dont ce sera le premier pour certains !). Mais, avant ça, il fallait surtout compter sur les efforts de Taifu puis, depuis l’été 2021, des éditions Meian. C’est d’ailleurs au sein de la collection du second que se trouve le titre du jour, The Moon on a Rainy Night. Un manga qui aborde avec sérieux handicap et discriminations, sur fond d’une tendre romance.

Pour cela, il se concentre sur la rencontre entre Saki et Kanon, dont le développement va se faire en partie autour de la surdité de la seconde. Ou plutôt de la manière dont cela impacte ses relations sociales, tant Kanon déteste recevoir un traitement spécial de la part des autres du fait de son handicap. Une manière de s’isoler face à laquelle Saki va brillamment s’inviter, aux dépens puis à la grande joie de sa camarade.

De cette manière, The Moon on a Rainy Night aborde principalement le handicap par un prisme social. Il est ainsi beaucoup question de comment les autres perçoivent la surdité de Kanon et agissent en conséquence. Par exemple, son aisance à interagir avec autrui, grâce à la lecture labiale, et sa capacité à parler, étant devenue sourde en CE1, amènent certains à remettre en doute son handicap. Ou plus simplement, la façon dont Saki va parfois prendre trop de précautions avec son amie.

Le manga traite le sujet avec un sérieux respectable, en témoigne les références fournies en fin d’ouvrage (et agrémentées d’ouvrages français). Kuzushiro, l’autrice, donne aussi de l’espace à ses personnages pour exprimer leur point de vue et leur ressenti. Une démarche un peu verbeuse par moments, mais enrichissante tant elle suggère des sujets de réflexion intéressants. On apprécie notamment de voir le handicap être traité comme un sujet sociétal et non seulement individuel.

Mais résumer le manga à ce seul thème serait fortuit. Il aborde en réalité bien davantage de sujets, principalement par le biais de personnages secondaires souvent un peu opportuns. Le troisième volume traite ainsi presque exclusivement de thématiques queers. Un développement arrivant un poil tard, même s’il s’annonçait déjà par quelques discrets passages ici et là. On espère toutefois le voir être aussi bien abordé, surtout que l’autrice est ici sur un terrain plus familier, ayant déjà plusieurs yuri à son actif (dont Inu & Neko, édité par Ototo mais dont il manque encore 2 tomes, le précédent remontant à septembre 2017).

© Kuzushiro / Kodansha Ltd

The Moon on a Rainy Night porte cependant les défauts de ses qualités. Outre un aspect verbeux déjà évoqué pour traiter ses sujets, c’est aussi valable pour une narration qui tend à s’étaler. En résulte un rythme parfois lent et frustrant tant on aimerait voir davantage la relation entre les deux héroïnes évoluer. Une lourdeur dans le ton, également, par moments un peu trop appuyée. C’est inévitable par l’enjeu de ses thématiques, mais cela mériterait plus de nuances. Cela va de pair avec le style de Kuzushiro, certes très élégant, mais aussi assez chargé visuellement.

Cela reste contrebalancé par de nombreux moments plus légers, avec la superbe dynamique entre ses deux héroïnes. Il est très plaisant de voir leur complicité naissante se développer, agrémentée d’instants de comédies bien placés. Même chose pour le dessin de l’autrice qui offre tout de même un joli découpage et de brillantes manières d’illustrer les tourments de ses personnages.

De fait, The Moon on a Rainy Night est une passionnante histoire sur notre rapport aux autres. Le choix du handicap et de l’homosexualité pour aborder cet aspect se révèle alors particulièrement pertinent. Surtout avec un traitement aussi frontal, sans prendre de gants au point de mettre mal à l’aise le lecteur pour l’inciter d’autant plus à la réflexion. Avec les développements de ce troisième volume, il tarde de voir où ira la relation entre ses deux héroïnes qui reste le noyau de cette épopée réflexive. Une suite que l’on va attendre avec impatience, tandis que la série se poursuit toujours au Japon (avec 6 tomes).


Léonard Fougère est rédacteur freelance chez IGN. Toujours prêt à forcer sur Love Live, il adore aussi les tranches de vie et autres weeberies du genre qu’il partage allègrement sur Twitter, Bluesky et Instagram