No Longer Allowed in Another World, l’isekai du clown dépressif

Un héros déterminé à mourir

Dans la pagaille des isekais aux concepts toujours plus extravagants, la proposition de No Longer Allowed in Another World est radicalement plus simple. Son protagoniste, à l’inspiration relativement explicite d’Osamu Dazai, n’en a que faire de la réincarnation et des aventures féériques. Son seul désir est de mourir avec sa bien-aimée et quitter cette vie qui le fatigue tant. Un point de départ atypique pour un manga étonnamment drôle et prêt à s’amuser avec les codes de l'isekai.

Un camion en trombe, un nouveau monde magique ne demandant qu’à être sauvé du terrifiant Roi Démon, des elfes, des éléments de simili-RPG… Tout sent bon l’isekai pur jus dans No Longer Allowed in Another World. Son originalité se trouve plutôt dans son protagoniste, sobrement nommé « Sensei », écrivain cynique désormais embrigadé contre son gré dans cette aventure. Mais, ce qu’il désire, plutôt que vaincre le Roi Démon comme on l’attend de lui, c’est de retrouver sa bien-aimée et de « terminer » ce qu’ils avaient prévu initialement de faire.

Il convient d’emblée de prévenir sur ce dernier point : No Longer Allowed in Another World est un manga qui évoque régulièrement le suicide par les envies de mourir de son protagoniste. La chose est traitée principalement comme un ressort comique, et si c’est fait avec généralement assez de justesse, le tout peut rebuter certains lecteurs.

©︎ 2020 Hiroshi NODA, Takahiro WAKAMATSU / SHOGAKUKAN

Loin des profils habituels de ce genre de titres, Sensei n’est ni un héros surpuissant ni un anti-héros tourmenté. Faible et marqué d’un profond cynisme envers tout ce qui l’entoure, sa nonchalance et son envie permanente de trouver la mort font de lui un protagoniste original et surtout amusant à suivre. Le décalage entre le genre aventureux et féérique de l’isekai face à ce caractère sarcastique fonctionne à merveille. Cela suffit à insuffler de la personnalité dans une intrigue somme toute assez classique pour le moment.

La fin de ce premier volume laisse justement miroiter une direction plutôt intriguante de l’histoire, où les « héros » habituels de l’isekai ne semblent pas si glorieux que ça. À voir si cela n’emprunte pas un chemin trop lourdement « sombre », le ton de l’œuvre étant jusqu’à présent relativement léger. Toutefois, inutile d’espérer une plongée semi-biographique dans la vie d’Osamu Dazai, dont le protagoniste reprend les principales caractéristiques (jusqu’à la date de la mort et le supposé double suicide). Le titre en reprend davantage la figure et les thématiques fortes de l’auteur, à la manière d’un Bungô Stray Dogs.

©︎ 2020 Hiroshi NODA, Takahiro WAKAMATSU / SHOGAKUKAN

Écrit par Hiroshi Noda et dessiné par Takahiro Wakamatsu, le duo n’en est pas à leur premier travail commun. Vous les avez peut-être même connus sur le sympathique Love After World Domination, où un super héros et une super méchante partagent une romance interdite. Les deux titres partagent cette appétence pour de la parodie légère et le brisage de codes. Cela explique également la qualité graphique de l’œuvre, portée par un trait fin et détaillé ainsi qu’un joli dynamisme. On y retrouve aussi l’inspiration plutôt épicée du dessinateur, notamment dans les designs des personnages féminins. Rien de bien choquant (hormis un passage précis) toutefois, surtout si vous êtes déjà familiers au précédent travail de ce duo.

No Longer Allowed in Another World est ce genre de titre qui ne révolutionne rien, mais est suffisamment teinté de personnalité pour constituer une expérience assez unique. L’idée de son protagoniste fatigué par la vie apporte un ton plus terre-à-terre et humble, efficace pour ce genre de récit habituellement grandiloquent. Porté par deux artistes talentueux, le manga est disponible chez Kana et se poursuit encore au Japon avec actuellement 10 volumes, tandis qu’un anime est prévu pour cet été.


Léonard Fougère est rédacteur freelance chez IGN. Toujours prêt à forcer sur Love Live, il adore aussi les tranches de vie et autres weeberies du genre qu’il partage allègrement sur Twitter, Bluesky et Instagram.