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Cahier special: Francois Villon raconte par Ionela Manolesco.

Proprietaire du copyright du grand projet de 800 pages, Le Pet au Deable de Villon, dont le suivant represente un extrait inedit, Ionela Manolesco (Montreal, Quebec) est ecrivain, artiste et peintre. Son ouvrage constitue un morceau de fiction ancree sur du reel, traitant de l'histoire reelle, a travers une fabulation ancree sur une autre fabulation, celle de Villon a propos de son propre Pet au Deable., ceuvre evanescente perdue, puis retrouvee... ou presque.

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Le Poete Villon lache le Pet au Deable

Qui lache quoi? Villon, en sortant de prison, le cceur serre, sur le point de traverser le seuil du terrible Guichet du Chatelet, ne sachant pas encore s'il s'en sortirait vivant. Il pense au Vilain de Rutebeuf, pour se donner du courage. Le Diable guetta ses deux trous, pour attraper son ame sortante, par l'une des deux soupapes : le dernier souffle et le dernier pet. Mais le Vilain infesta les lieux d'une puanteur si nauseabonde, que l'ange de la Mort prit ses jambes a son cou. Le Vilain avait mange, la veille, trop de pois chiche et de haricots. Villon n'avait pas soupe a la veille de sa sortie. Mais le Pet au Deable l'incitait a un nouveau defi. Puis, la peur bleue du Guichet lui donnait des coliques. << Partir c'est mourir un peu. Partir de Paris c'est encore pire. Mais je ne me damnerai pas pour autant. Je crie a toutes Gens merci ! P.S. Apres tout, suis-je pas Poete? Mort ou vif, j'ai le droit de leur dire les quatre verites, a ces traitres chiens matins qui m'ont fait subir la Question comme a un traitre et apostat et m'ont casse les cotes. Si je ne suis pas la, dites-les leur pour moi! Gallants, Gallants : a la Montjoye ! Allez lettres, faites un saut ! Dites a mes copains de Galle de redire a ces Messieurs ce que je pense de leur Justice. Le Pet au Deable vous dira, ce que j'ai tu, de vive voix. >>

Francois Villon (1430-147?), par son ceuvre classique monumentale et par la beaute de ses vers, est le plus grand des anciens Poetes Francais, le plus connu, aime et reconnu par le Patrimoine universel comme le Poete par excellence. Il a ecrit des Ballades, dont une partie autonome. L'autre partie en fut inseree a l'interieur d'un poeme plus ample, un Testament litteraire. Le projet de Villon fut celui de structurer un recueil de tous ses ecrits pour le faire imprimer sous forme de livre par le nouveau systeme, invente depuis peu par Gutenberg; celui des lettres mobiles. La clef de voute de ce recueil fut son cuvre autobiographique, le Testament. Le Poete a encore fait preceder ce poeme par le Lais (intitule auparavant le Petit Testament), dont il allait ainsi changer l'ancien nom, devenu anachronique, en depit de ses puissants ennemis, qui aurait espere le contraire.

Dans le meme recueil, il fit suivre le Testament par une partie de son Jargon et Jobelin. La seconde moitie de ce titre temoigne de l'adoption d'un parler subversif, celui des intellectuels marginalises par le haut, les Gibbelini, dont la faction s'opposait a la suprematie du pape. Villon, un clerc, allait s'attirer par la les foudres des instances superieures, qui allaient faire de lui un cas pendable. Le poete s'esquiva quelque temps sous le bonnet du Fou et l'innocence de la Farce, mais son attitude rebelle lui faisait cumuler un multiple delit politique. Comment s'en sortir? En se cachant sous la couverture du delit de droit commun. Et en se ralliant aux Coquillards. Tout en s'appropriant le jargon carceral, pour en faire une langue litteraire : son Jargon. Cette creation hermetique du langage, allait bientot evoluer vers celle de l'ecriture chiffree. Son cuvre poetique en jargon, mise en musique et chantee dans les tavernes, lui attira une grande notoriete a Paris. Son CEuvre en bon Francois du XVe siecle, vint apres l'autre, tout en s'inspirant d'elle comme d'un peche de jeunesse. Les Ballades autonomes le consacrent. Des compositeurs celebres s'inspirent de ses rondeaux, parmi lesquels un Gilles Binchois (voir le Rondeau de la Mort).

La passion pour le theatre, pour la politique et le Jeu le poussent vers des exces. Villon jette son froc aux orties, perd ses droits universitaires et devient, comme les Goliards de jadis, un mercier ambulant, un organisateur de spectacles de la rue et, en fin de compte, un Coquillard. Mais les Princes s'inclinent devant lui comme poete et lui accordent les palmes de la gloire. Le Poete de Paris est consacre comme le premier parmi les premiers. Mais VillonVillon, ennemi de soi-meme, allait mettre en danger, et sa vie, et son cuvre. Si bien que le Poete, soucieux d'assurer la survie de son Cuvre, allait reconsiderer et epurer celle--la, a fin de la sauvegarder du danger d'etre comprise par la Censure.

Villon fit donc preceder son recueil testamentaire en cours de parution, par un CODICILLE (amendement a un testament). Ce fut de sa part un stratageme de paraphraser son CODE hermetique par un calembour. Or, il n'y a pas de trace d'un codicille de Villon, en depit de mainte recherche. Bien des signes, par contre d'un Villon a decrypter. L'cuvre de Villon ainsi structuree aurait servi a la publication d'une edition princeps suivie par l'Imprime Z, qui s'est perdu. Un Imprime ulterieur, celui de Pierre Levet (1489), gardera le titre de Codicille comme amendement ou correction du Testament, sur la page du titre, mais sans l'honorer dans le corpus! Et ce ne fut d'ailleurs pas la seule cuvre a disparaitre sans trace.

Villon avait mentionne, en tete de l'heritage poetique qu'il a legue a la posterite, le Pet au Deable, une chronique burlesque de la vie parisienne. Cette oeuvre n'apparaitra non plus, quelque part. D'ou je tire la conclusion que l'une vaut l'autre ou qu'il s'agit de la meme. La posterite de Villon allait tirer la conclusion que le Pet s'etait perdu. Ce qui est d'ailleurs vrai. Mais, d'apres moi, pas tout a fait. Puisque le Code de cette Cuvre a programme existe, et que sa programmation, faite par Villon meme, a l'interieur de son cuvre classique, reste indelebile. La poursuite de cette Cuvre virtuelle de Villon constitue l'objet de mon livre et de l'Extrait offert ici...

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Le Chien Gamier

Qui etait ce Garnier, geolier recycle en clerc du Guichet ou de la petite porte arriere de la Prison du Chatelet, qui separait encore le prisonnier Francois Villon du monde libre ? Etienne Garnier etait, en verite, le clerc du Guichet de la prison du Chatelet. Il portait un baton ferre et il ne visait qu'une chose : se partager, avec le Bourreau, les effets vestimentaires du condamne a mort. Et il inscrivait les prisonniers dans l'Ecrou. Et il percevait de l'argent de ceux-la, au moment de leur liberation. Le Guichet, c'etait donc une frontiere. Parfois meme, entre la Vie et la Mort. Pas toujours officielle. Parfois, la liberation n'etait que sur papier. La petite porte fonctionnait, pour certains, en guillotine avant la lettre, juste au moment ou on donnait au sacrifie l'illusion qu'il allait etre libere, en traversant le Guichet.

Garnier avait son histoire a lui. En 1421, il fut penalise pour complicite d'evasion. En 1450, le meme Garnier ne sera que fermier. En 1453, il est recupere comme geolier a la Conciergerie. Il en sera lui-meme enferme, pour une << permission illicite, >> ou complicite d'evasion. Il obtiendra plus tard le geolage sous caution (plege). Il se melera encore a certaines affaires louches. Il y sera incarcere mais il obtiendra sa lettre de remission en 1458. Pourquoi cette nouvelle detention ? Pour une duplicite professionnelle impliquant le vol, l'extorsion et la corruption. Ce fut donc a un pareil recidiviste que la Justice partisane allait donner la chance de se recycler, en lui confiant la garde delicate d'un prisonnier innocent, le Poete, qu'elle voulait noircir a tout prix.

Voici l'histoire de Garnier, le Clerc du Guichet de Villon : Un riche bourgeois est depouille de son tresor par un voleur du nom de Gregoire. Le voleur, sac au dos, prend le chemin de Paris. Son butin ? Une lourde vaisselle en argent, un tableau en or et argent, de l'or en lingots, en monnaies et en anneaux, deux diamants et un gros saphir. En chemin, helas, il rencontre deux hommes de loi, dont l'un est Garnier. Somme par les deux flics de leur remettre le butin, le voleur s'en sortira tout en promettant a Garnier, ni plus ni moins, un avancement. Le malfaiteur se fait fort de fournir a Garnier un meilleur emploi dans les Forces de l'ordre, notamment comme sergent a cheval, qu'il allait obtenir de Maitre Simon le Bourrelier, contre le paiement d'une part de ce meme butin qu'il voulait ainsi recuperer du ripou Garnier. Et notre Gardien de consentir sur-le--champ. Une fuite au sujet du trafic de Garnier allait lui couter la liberte. Rentre dans ses fonctions en 1459, il cherche naturellement a faire oublier ses ecarts. Il devient le Chien de garde du Poete. Deux fois de suite : avant et apres l'Appel du Poete a la Cour de Parlement. Villon allait lui echapper comme par miracle. Mais lui.

Plus tard encore, Garnier allait etre mele a des histoires de chantage, comme par exemple celle visant le Sieur de Marolles, maitre d'un serviteur devoye. Et la, il regagnera la prison pour le restant de ses jours.

<< Pendu seres >> Un Proces monte

Villon respire, enfin. Son Appel en Cour fut ecoute. Sa detention absurde au Chatelet allait prendre fin d'une minute a l'autre. Ils ne seront plus censes de le soumettre aux supplices de l'interrogatoire. Desormais, plus de Question. Cette Ballade << leur >> etait adressee, par le detour du Geolier Garnier, porteur du message poetique. Selon le Pet au Deable dans la Ballade de la Question, le titre en serait le suivant : << Le Defi que Villon, le libere, lance au Notaire Ferrebouc, l'evince. >> Au message de base, Villon attachera comme document en annexe, une carte de vcux a rebours. Le dessin correspondant qui figure plus haut, represente le proces devenu caduc, celui ou Villon fut condamne a mort. La scene de la comparution est representee dans une vision de synthese.

L'original du Cancellatum, esquisse par Villon, puis traduit par lui en programme virtuel, conforme a la methode de la steganographie, devenait invisible pour tout lecteur, sauf pour ses propres complices et collaborateurs, inities par lui dans les secrets de l'Art de Memoire. Le dessin emblematique, sauvegarde sur le plan virtuel, devait cependant etre visualise sous ses directives et devenir apparent sur papier, sous forme de schema retrace sur la grille des vers. Ce tour de force, autrement inconcevable pour le lecteur ordinaire, devenait faisable par un executeur averti, grace aux signaux et a l'entrainement specifique, dispense au prealable par l'auteur meme. A qui donc, sinon a Fremin L'Erudit, le truchement de langue arabe de l'Universite de Paris, remercie depuis peu, suite a la conjoncture historique et a cause de la resonance inquietante de son nom, qui l'aurait facilement fait confondre avec un Libre Penseur. Le pauvre Villon; qui avait connu cet homme de valeur quand il etait a la hausse, acheta ses services a la baisse, car Fremin etait devenu meme plus pauvre que lui. Pour lui faire eviter un examen de conscience hebdomadaire a la Sorbonne, Villon le debarrassa de son dromadaire et le fit changer de nom, en l'appelant L'Etourdi au lieu de L'Erudit.

Comme secretaire et confident de Villon, Fremin s'est vu confier la charge qui lui convenait le plus, celle de calligraphier et de developper en figures schematisees, en calligrammes et meme en filigranes, les steganogrammes de Villon. Fremin, le secretaire decodeur, avait en outre l'obligation de transmettre discretement son decodage comme tel, a un scribe, un artiste de talent et un expert de la contrefacon, qui allait en extraire une illustration en Carmen Figuratum, aussi reussie que conforme au steganogramme du Poete.et au Cancellatum de Fremin. Ce scribe et artiste, devait a son tour se rendre, comme prevu par Villon, aux alentours de l'ancien emplacement de la Pierre dite du Pet au Deable. La bas, sur le Mur d'Enceinte du Vieux Paris, ce scribe s'est charge du reste, devait transposer le dessin realise, et parachever la commande.

Le tableau concu sommairement par Villon, masque par la steganographie de son Cancellatum, decode par son secretaire erudit, dessine en details et enjolive par le scribe talentueux, allait bientot prendre des proportions monumentales, par les soins du dernier, a l'endroit le plus frequente du Marais. Tout comme un chef de chantier en decoration murale, le scribe devenu peintre montait sur un escabeau et transposait son dessin sur le mur d'enceinte, en se faisant aider, au besoin, par les fans de Villon, notamment les atours suroms, les Galants de la rue des Mauvais Garcons. L'artiste executait le nouveau dessin en graffiti, grandeur nature. Tous les personnages figurant dans la scene du proces, de vrais portraits, y apparaissaient, non plus en pointille, comme il avait procede pour le petit, insere sur la trame des vers, mais par gros traits, au charbon et a la pierre noire. Le scribe encadrait ensuite la composition par une inscription en grosses lettres, celebrant la Defaite du Mechant, la Joyeuse Folie parisienne et l'eternel retour du Poete.

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Pour l'instant, le prisonnier doit encore attendre que le Guichet s'ouvre, pour lui rendre la liberte conditionnelle obtenue. Le Poete evoque la souffrance enduree, tout au cours de l'annee de detention passee sous l'ecrou, depuis qu'il avait depose sa demande en Appel de justice, jusqu'a ce que justice soit faite. Garnier, le clerc Guichet, n'aurait jamais cru que Villon allait sortir vivant de sa geole. Il ne comprenait point la clemence de ces nouveaux Juges qui venaient de casser l'ancienne sentence de mort, par pendaison, du condamne Villon. Il continuait de le harceler par ses betes questions a lui, des que l'occasion se presentait. A chaque fois le Poete plaidait non coupable, tout en evoquant la cabale montee contre lui par le Notaire Ferrebouc et ses acolytes, lors du sale proces qu'on lui avait intente, pour le faire cracher un autre paquet, la cache de son roman satirique dirige contre les Grands, le corps delit destine a l'enfoncer encore pire et lui infirmer tout recours eventuel.

Garnier l'appelait le philosophe, par derision. Pourquoi? Parce qu'en depit de son beau titre universitaire et de sa grande renommee, Villon allait bel et bien rester en prison sous sa garde en attendant qu'on l'eleve en grade, par la corde du Gibet de Monfaucon. Et pour Villon, de lui objecter son innocence, a mainte et mainte reprise, le verdict ne le concernait pas. Le plaignant, homme influent et personnalite politique, abusa de la position privilegiee que lui conferait sa fonction de Notaire pontifical. Quel fut le litige? Un scandale d'ivrognes, la nuit, rue de la Parcheminerie. Le Delit? Des coups de poing et de gros mots. Ou ca? Devant l' Ecritoire de sieur Ferrebouc. L'agresseur? En tout cas, pas Villon, qui fut assez lucide pour quitter les lieux, des que ses deux compagnons s'etaient mis a chicaner, a travers la fenetre, les scribes du Maitre des lieux.

Mais Villon etait la vraie cible du proces monte. Il constituait une persona non grata. Les mechants craignaient sa grande gueule. Ses puissants ennemis lui reprochaient surtout son Jobelin heretique. Que craignait Ferrebouc plus que la dague de l'ivrogne, sinon la satire en langage Jobelin, dont Villon le tenait, pire qu'a la pointe de l'epee. Or, le Jobelin n'etait pas un simple jargon. Il derivait du gibelin, le parler retors des Gibelins protestataires. C'etait aussi le langage gnostique secret, que des poetes du siecle anterieur avaient developpe, dans des chants clos, comme celui de la Vita Nuova de Dante. Le meme que l'argot de l'image concrete et de la parabole amoureuse, cultivees par les alchimistes, dans ces grimoires ou ils connotaient les resultats de leurs experiences en matiere de transmutation de la matiere. Villon l'avait adopte par emphase poetique, mais pas seulement. Ses Chansons de boire en jargon faisaient les delices des fetards. Aux depens de qui? Des gros bonnets, tels Ferrebouc. Pour quel motif? C'est qu'il faisait travailler ses scribes non stop, comme des imbeciles et hors programme. Mais ce n'etait pas la le point nevralgique du Jobelin de Villon. Le mal, selon Ferrebouc, se trouvait d'emblee dans l'ecriture poetique en bon Francois de Francois, qu'il manipulait d'une maniere tres subtile. Mais ni Ferrebouc ni la Censure ne pouvaient incriminer Villon pour des mefaits qu'on n'arrivait pas a prouver le Notaire voulut alors profiter de l'unique occasion qui s'etait presentee d'impliquer Villon dans ce scandale, pour l'incriminer comme instigateur. En fait il prenait le Poete comme bouc emissaire. La Justice du Prevot de Paris, de connivence avec le Notaire pontifical Ferrebouc, allait condamner injustement le Poete a etre pendu et etrangle.

Daugis, le vrai coupable, allait bientot etre elargi de prison comme citoyen etranger. Raison de plus pour l'innocent Francois, qui allait etre pendu, du fait qu'il n'etait que Francais. Villon deplore, en derision, le fait qu'il n'etait originaire, helas, que de Paris (a cote seulement de Pontoise, localite reservee au campement des Tsiganes envahissant depuis peu "Paname").

Et sa condamnation abusive? Elle l'aurait surement conduit au gibet. En prison, Villon fut traite en Coquillard. Par ordre de Sieur Pierre de la Dehors, qui fut monte par le Notaire, Villon allait subir la fameuse << Q U E S T I O N. >> C'est a dire qu'il fut supplicie. Au grand plaisir du Notaire, Francois se debattra comme un diable dans un benitier. Soucieux de sauver sa peau, il envoie partout des messages. Par personne interposee. Tout comme un chien de garde, Garnier ne le quittera pas d'un pouce. Les messages de Villon a l'exterieur susciterent les soupcons de Garnier. Ce clerc connaissait parfaitement le parler des bas-fonds, mais il faisait semblant d'ignorer le jargon. Pour mieux moucharder, Francois se preta volontiers a lui donner des lecons de << joncherie >> tout en le sachant un expert. Le vocable designait en jargon une sorte d'amour par contumace. La, Garnier ne le suivait plus. Il y avait un sens de ce mot que le clerc du Guichet ignorait. Villon l'avait appris a la Cour d'Amours de Blois. C'etait le sens de conspiration, qui impliquait celui des astuces d'une certaine ecriture secrete.

C'est ainsi que les poemes ecrits en jargon des Coquillards, anobli par un autre en subsidiaire, le Jobelin des dissidents, trouverent chez Villon un echo savant, bien plus subtil qu'il glissa sous ses vers classiques en bon Francois. Cette ecriture hermetique en vers farcis d'images, allait passionner Villon qui devanca ainsi surcroit, par des figures signifiantes, mais dissimulees, la poesie concrete d'un Jean Molinet et les exercices manieristes dans ce sens, des Grands rhetoriqueurs.

On parlait jargon aussi, a la Cour d'Amours de Blois, par snobisme, pas autrement. La Rhetorique ouvrit l'esprit du Prince et Poete a la steganographie aussi. La << Requete>> de Villon au << Prince >> en est, pour moi, une preuve irrefutable et un veritable morceau de bravoure. Villon avoue en clair, dans l'Envoi, qu'il se sert de la lettre (signe de l'alphabet) autrement que d'un symbole conventionnel de la langue parlee...

Le Prince Poete a recu le message cache de Villon, accompagne par la copie de l'Appel en Court. Le Prince allait proceder en consequence. Villon traversera sain et sauf le Guichet au Chatelet le janvier 1453. Il n'allait certainement pas manquer de circuler en clandestin, entre Poissy et Ferte-Alais, les limites de l'Ile-de-France. Villon fut d'ailleurs le seul prisonnier de l'Histoire a sortir vivant, apres six mois de detention, de la cellule improvisee dans le cul-de--basse-fosse du Chateau de Meung-sur-Loire. Dans ce cas-la encore, nous savons que ce fut toujours Charles d'Orleans qui aurait attire l'attention au futur roi, Louis XI, sur le Poete, pour qu'il lui accorde sa grace a l'occasion de son couronnement. Ce fut donc precisement ce que le Roi allait faire en faveur du prisonnier Villon, lors de son passage a Meung-sur-Loire.

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Publication:The American Dissident
Geographic Code:4EUFR
Date:Jan 1, 2004
Words:3324
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