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Crédit photo : World Vision Kenya

Les droits des femmes commencent par les droits des filles

Posté par Marguerite Gardey de Soos le 8 mars 2024

Camille Romain des Boscs, directrice de l’ONG Vision du Monde depuis plus de 10 ans, a accepté de répondre aux questions de la rédaction Envie d'Agir, afin de comprendre et d'encourager les solutions qui existent pour la défense du droit des femmes dès l'enfance.

Qu’est-ce que les MGF ?

Les mutilations génitales féminines (MGF) désignent toutes les interventions aboutissant à une ablation partielle ou totale des organes génitaux externes de la femme et/ou toute autre mutilation des organes génitaux féminins pratiqués à des fins non thérapeutiques (OMS). 

L’Organisation mondiale de la Santé distingue 4 types de mutilations génitales féminines (MGF) :

1) la clitoridectomie : ablation partielle ou totale du clitoris.

2) l’excision : ablation partielle ou totale du clitoris et des petites lèvres, avec ou sans ablation des grandes lèvres.

3) l’infibulation : rétrécissement de l’orifice vaginal par ablation et accolement des petites lèvres et/ou des grandes lèvres, avec ou sans ablation du clitoris.

4) les formes non classées de mutilation sexuelles féminines : toutes les autres interventions nocives ou potentiellement nocives pratiquées sur les organes sexuels féminins à des fins non thérapeutiques.

D’où vient cette pratique ?

Les MGF touchent au moins 200 millions de filles et de femmes vivant actuellement dans 30 pays d’Afrique, du Moyen-Orient et d’Asie. Elles sont également présentes chez une partie des populations immigrées en Europe occidentale, en Amérique du Nord, en Australie et en Nouvelle-Zélande. Il s’agit d’une véritable problématique mondiale !

La situation est particulièrement alarmante au Kenya, notamment en raison de la médicalisation de la pratique des MGF. Le taux de médicalisation au Kenya est de 15 %, l’un des plus élevés d’Afrique. L’impact de ces mutilations sur les victimes sera pourtant toujours dévastateur, peu importe où et par qui elles sont pratiquées.

Précision liée aux idées reçues concernant la religion : les mutilations génitales féminines ne sont pas recommandées par l’islam ou le christianisme, mais les croyances liées à la religion sont fréquemment invoquées pour justifier leur pratique. En réalité, ce sont la pression sociale et certaines croyances culturelles ancrées depuis des siècles, selon lesquelles la valeur d'une fille pour sa famille est déterminée par son aptitude au mariage qui font perdurer les MGF. Les MGF représentent donc souvent un rite de passage obligatoire chez les adolescentes pour devenir une « bonne épouse ». Cependant, l’excision tend à être pratiquée de plus en plus tôt. La majorité des femmes ont été mutilées avant l’âge de 10 ans, tandis qu’aujourd’hui les petites filles subissent parfois ces pratiques avant l’âge de 5 ans !

Credit illustrations : Cindy Rémy

En quoi cet acte atteint la dignité des femmes ?

Les mutilations génitales féminines sont internationalement considérées comme une violation des droits des filles et des femmes. Elles mettent en danger leur santé à court terme car elles peuvent provoquer des saignements excessifs, une infection importante ou dans les cas les plus graves, la mort. Mais également à long terme : Parmi les conséquences à long terme de ces actes mutilants, de nombreuses femmes souffrent de douleurs pendant les rapports sexuels, de problèmes urinaires, d'infertilité, de complications pendant leur grossesse, de traumatismes psychologiques, caractérisés par de l'angoisse ou des états dépressifs...

De plus, les MGF compromettent l’avenir des survivantes de ces pratiques car elles favorisent les mariages et grossesses précoces et donc le décrochage scolaire.

Ces pratiques violentes à l’égard des filles constituent une grave discrimination. Le fait qu’elles soient presque toujours pratiquées sur des mineures constitue également une violation des droits de l'enfant.

En résumé et selon l’OMS, les MGF violent les droits à la santé, à la sécurité et à l'intégrité physique, le droit d'être à l'abri de la torture et de traitements cruels, inhumains ou dégradants, ainsi que le droit à la vie lorsqu'elles ont des conséquences mortelles. (OMS)

"En réalité, ce sont la pression sociale et certaines croyances culturelles ancrées depuis des siècles." Camille Romain des Boscs

Comment faire pour les arrêter ?

La sensibilisation, la lutte contre la pauvreté et l’accès à l’éducation font partie des principaux piliers pour lutter contre la pratique des MGF.

Vision du Monde, association de solidarité internationale qui vient en aide aux enfants les plus vulnérables, agit d’ailleurs avec le programme Kenya Big Dream à travers un grand travail de sensibilisation auprès de tous les acteurs locaux pour aider à changer les normes sociales et la mise en place de rites alternatifs. En parallèle, notre ONG agit quotidiennement en luttant contre les causes profondes de la pauvreté, en favorisant l’accès à l’éducation aux filles et en redonnant une indépendance économique aux anciennes exciseuses en les formant à de nouvelles activités génératrices de revenus. Depuis la mise en place du projet en 2019, le projet Kenya Big Dream a permis d’aider plus de 800 000 personnes.

 

Expliquez-nous la spécificité française sur l’accueil des mutilées ?

17 000 jeunes filles bénéficient actuellement du statut de réfugié en France au titre du risque de mutilations génitales féminines, 1er pays d'accueil et d'asile pour les femmes et les filles menacées ou victimes de MGF.

En 2022, elles étaient environ 3 000 mineures à obtenir l'asile pour excision en France. La loi française tend à protéger tous les enfants vivant sur son territoire, quelle que soit leur nationalité : cette loi s'applique donc à l'acte commis à l'étranger si la victime est française ou si, étrangère, elle réside habituellement en France. Mais cela ne garantit pas pour autant aux filles résidant sur le territoire français d’être complètement à l’abri de ces pratiques dévastatrices pour leur santé.

Les parcours migratoires peuvent changer la vision des familles vis-à-vis des MGF en renforçant ou en diminuant son besoin de rattachement ses origines. Les pressions familiales exercées par les proches restés dans le pays d’origine peuvent être très fortes et les vacances scolaires représentent alors un grand risque pour les filles qui sont parfois envoyées dans leur pays d’origine sous de faux prétextes.

Crédit photo : World Vision Kenya