rime

rime

n.f. [ du frq. rîm, rang ]
Retour du même son à la fin de deux ou plusieurs vers : Rimes féminines, masculines.
N'avoir ni rime ni raison,
être absurde, incohérent ; n'avoir pas de sens.
Maxipoche 2014 © Larousse 2013

RIME

(ri-m') s. f.
Uniformité de son dans la terminaison de deux ou de plusieurs mots.
Il faut avoir un grand soin d'éviter les rimes en prose, où elles ne sont pas un moindre défaut qu'elles sont un des principaux ornements de notre poésie [VAUGELAS, Rem. t. I, p. 398]
De grâce, enseigne-moi l'art de trouver la rime ; Ou, puisque enfin tes soins y seraient superflus, Molière, enseigne-moi l'art de ne rimer plus [BOILEAU, Sat. II]
Maudit soit le premier dont la verve insensée.... Voulut avec la rime enchaîner la raison ! [ID., ib.]
Que toujours le bon sens s'accorde avec la rime ; L'un l'autre vainement ils semblent se haïr ; La rime est une esclave et ne doit qu'obéir [ID., Art p. I]
Si je pense exprimer un auteur sans défaut, La raison dit Virgile et la rime Quinault [ID., Sat. II]
Peu de gens font réflexion pourquoi les rimes, qui font une partie de l'agrément des vers, sont insupportables dans la prose [FONTEN., Réfl. poét. Œuv. t. III, p. 200, dans POUGENS]
On a osé faire des tragédies depuis Racine ; mais ce sont des tragédies en rimes, et non pas en vers [VOLT., Lett. St-Lambert, 7 mars 1769]
Il est indubitable que la rime n'a été inventée que pour l'oreille ; c'est le retour des mêmes sons, ou des sons à peu près semblables qu'on demande, et non pas le retour des mêmes lettres [ID., Comm. Corn. Rem. Médée, I, 5]
Il est vrai que la rime ajoute un mortel ennui aux vers médiocres ; le poëte alors est un mauvais mécanicien qui fait entendre le bruit choquant de ses poulies et de ses cordes [ID., Dict. phil. Rime.]
Nous avons remarqué que l'Arioste a fait quarante-huit mille rimes de suite dans son Orlando, sans ennuyer personne [ID., ib.]
Je ne puis souffrir qu'on sacrifie à la richesse de la rime toutes les autres beautés de la poésie [ID., Œdipe, 5e lett.]
Les Anglais ont un autre avantage sur nous, c'est de se passer de rime ; le mérite de nos grands poëtes est souvent dans les difficultés de la rime surmontées, et le mérite des poëtes anglais est souvent dans l'expression de la nature [ID., Lett. Saurin, 28 févr. 1764]
Je ne sais ce qui arrivera des vers sans rime ; mais je ne désespère pas que, s'ils s'établissent jamais, l'usage ne commence par nos vers lyriques, par ceux qui sont faits pour être chantés [D'ALEMB., Œuv. t. IV, p. 112]
Quand la rime qu'on emploie est trop abondante, comme celle des mots en ant, on regarde comme une négligence la rime qui n'est que dans le son, et qui n'est pas dans la consonne [MARMONTEL, Œuv. t. X, p. 111]
Boileau appelait rimes de bouts rimés, celle de Sphinx et de Syrinx, et la reprochait à Lamotte [ID., ib. p. 120]
Familièrement et par plaisanterie. Mettre en rimes, mettre en rime, mettre en vers.
Vais-je d'un pape illustre [Innocent X], armé contre tes crimes [de l'équivoque], à tes yeux mettre ici toute la bulle en rimes ? [BOILEAU, Sat. XI]
Là des Turcs amoureux, soupirant des maximes, Débitent galamment Sénèque mis en rimes [GILB., le XVIIIe siècle.]
Rime pleine, ou, plus ordinairement, rime riche, celle où non seulement le son, mais l'articulation est la même, comme vertu et abbattu, étude et solitude. Rime suffisante, celle où le même son est suivi de la même articulation, comme plaisir et saphir, timide et rapide. Rime pauvre, celle qui n'est que dans le son, et non dans l'articulation, comme vertu et vaincu, jardin et destin. Fausse rime, celle qui n'est pas juste pour l'oreille, quoique admise par la coutume, comme vertus et Brutus. Rime féminine, rime qui se termine par un e muet.
Les rimes féminines qui donnent une grâce singulière à notre poésie [BOUHOURS, Entret. d'Ariste et d'Eug. II]
Rime masculine, celle qui ne se termine pas par un e muet.
Quinault a grand soin de finir, autant qu'il le peut, ses couplets par des rimes masculines ; et c'est ce que recommandait le grand musicien Rameau à tous les poëtes qui composaient pour lui [VOLT., Mél. litt. à l'abbé d'Olivet, sur la prosodie.]
La rime masculine est double, lorsque non-seulement la finale sonore, mais la pénultième, a le même son, comme attirer, respirer [MARMONTEL, Œuvr. t. X, p. 112]
On dit mieux aujourd'hui rime superflue. Dictionnaire de rimes, dictionnaire où l'on trouve, à chaque finale rangée alphabétiquement, tous les mots qui se terminent par cette finale.
Il [Richelet] est le premier auteur des dictionnaires de rimes [VOLT., Louis XIV, Écrivains, Richelet.]
Rime parlante, s'est dit de vers qui sur une même rime font un sens complet, comme dans ces vers :
Bon génie, On envie Ton industrie [, Merc. Galant, sept. 1682, t. II, p. 273]
Rimes croisées, rimes masculines et féminines qui se succèdent alternativement. Rimes plates, rimes qui se suivent deux à deux, comme le Lutrin. Les poëmes d'aventures, dans le moyen âge, sont en vers de huit syllabes à rimes plates, à la différence des chansons de geste qui sont par couplets monorimes plus ou moins longs. Rimes mêlées, celles qui se succèdent sans aucun ordre, en observant seulement de faire alterner les masculines et les féminines. Rimes normandes, rimes dans lesquelles on fait rimer er fermé avec er ouvert, comme vanter et Jupiter, ainsi dites parce que les normands donnent à er ouvert le son de er fermé. Rimes annexées, concaténées, enchaînées, fraternisées, suite de vers dont chacun commençait par le dernier mot ou par la dernière syllabe du vers précédent. Rimes batelées, celles d'une pièce de vers dans laquelle on répétait, à la fin du premier hémistiche de chaque vers, le dernier son du vers précédent. Rime couronnée, celle qui se répétait deux fois à la fin de chaque vers.
Fig. Il n'y a ni rime ni raison dans..., il n'y a pas de bon sens dans.
Il avait observé que, de tout temps, en France la rime avait plus de crédit que la raison [BALZ., le Barbon.]
Il n'y a ni rime ni raison avec ces gens-ci [le parlement] [RETZ, III, 292]
Remettons ce discours pour une autre saison ; Monsieur n'y trouverait ni rime ni raison [MOL., Femm. sav. IV, 3]
Le paquet est venu fort doucement, nous ne savons pourquoi ; il n'y a ni rime ni raison à la conduite des postes [SÉV., 10 avr. 1691]
Je me porte très bien ; mais, pour mes mains, il n'y a ni rime ni raison [ID., 22 mars 1676]
On dit de même : cet homme, cette chose n'a ni rime, ni raison.
Ceux qui n'ont ni rime ni raison [SÉV., 240]
Une petite évaporée dont les manières n'avaient ni rime ni raison [HAMILT., Gramm. 10]
N'entendre ni rime ni raison, ne rien entendre, ne vouloir pas écouter, soit par sottise, soit par emportement.
Je porte des livres ; je m'en vais, comme une furie, pour me faire payer ; je ne veux entendre ni rime ni raison : c'est une chose étrange que la quantité d'argent qu'on me doit [SÉV., 3 mai 1680]
S'il n'y a de la raison, il y a de la rime, se dit de méchants vers.
Au plur. Vers. Les rimes légères et spirituelles de Voltaire.
Et si, du son hardi de ses rimes cyniques, Il [Régnier] n'alarmait souvent les oreilles pudiques [BOILEAU, Art p. II]
On le dit aussi au singulier en ce sens.
Les officiers du roi Ne devraient exiger de moi Que de la rime et de la prose [MAINARD, dans RICHELET]

HISTORIQUE

  • XIIIe s.
    Li sentiers de rime est plus estroiz et plus fors [que la prose], si comme cil qui est clos et fermez de murs et de paliz, ce est à dire de poinz et de numbre et de mesure certaine, de quoi on ne puet ne ne doit trespasser [BRUN. LATINI, Trésor, p. 481]
    À fere ce qui me delite [plaît], Une aventure à mettre en rime [, Lai de l'ombre]
  • XVe s.
    Il n'y a rime ne raison En tout quant que vous rafardez [, Pathelin]
    Le chevalier, qui entendoit ceste rime [les affaires d'amour] comme celuy qui y avoit esté versé [, Perceforest, t. IV, f° 17]
    Lequel Guillaume respondi qu'ils ne cesseroient point et feroient la rime [le tapage] et tout le pertinent à chalivaly [DU CANGE, rima.]
    Rigme batelée, brisée, en chaînée, à double queue, rigme en forme de complainte amoureuse [HENRI DE CROY, dans Hist. litt. de la France, t. XXIV, p. 451]
    À la porte de mon logis et de ma chambre me firent plus de cent croix blanches et des rymes contenant que le roy de France et le conte de Varvic estoient tout ung [COMM., III, 6]
  • XVIe s.
    Petrarque aussi, le Romant de la rose, Sont les messels, breviaire et psautier, Qu'en ce saint temple on list, en rithme et prose ; Et les leçons, que chanter on y ose, Ce sont rondeaux, ballades, virelais, Mots à plaisir, rithmes et triolets [MAROT, I, 184]

ÉTYMOLOGIE

  • Prov. rim, s. m. rima, rime, poëme, anc. cat. rim ; espagn. portug. et ital. rima. On hésite entre le latin rhythmus, rhythme, et l'ancien haut-allemand rim, nombre ; allem. mod. Reim, rime (le mot se trouve aussi dans le celtique : ancirl. rîm ; kymri, rhif). Diez se prononce pour l'étymologie allemande, vu que rhythmus ne peut donner en italien rima ; il aurait donné rimmo ou remmo, tandis que toutes les formes romanes sortent sans peine du germanique ou celtique rîm.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

    RIME. Ajoutez :
    Rime en goret, voy. GORET au Supplément.
Émile Littré's Dictionnaire de la langue française © 1872-1877

rime

RIME. n. f. Retour du même son dans la terminaison de deux ou plusieurs mots; il se dit spécialement pour les mots qui se trouvent à la fin des vers. Aimer et Charmer, Belle et Rebelle sont de bonnes rimes. Il faut éviter les rimes dans l'intérieur des vers. La contrainte de la rime.

Mettre en rimes, mettre en rime, Mettre en vers.

Rime masculine, Rime où la dernière syllabe accentuée n'est pas suivie d'un e muet. Rime féminine, Rime où la dernière syllabe accentuée est suivie d'un e muet.

Rime riche, Rime pourvue de la consonne dite d'appui. Rime suffisante, Rime qui n'est pas pourvue de la consonne d'appui.

Rimes plates, Celles qui se suivent sans s'entrelacer à d'autres. Rimes croisées, Rimes masculines et féminines entrelacées. Rimes embrassées, Deux rimes masculines comprises entre deux rimes féminines, ou inversement.

Rimes redoublées se dit quand plus de deux vers ont la même rime.

Fig. et fam., Il n'y a ni rime ni raison dans tout ce qu'il dit, dans tout ce qu'il fait, Il n'y a point de bon sens dans ce qu'il dit, dans ce qu'il fait. Tout ce qu'il propose est sans rime ni raison. Se plaindre sans rime ni raison.

RIMES au pluriel s'emploie pour signifier Vers. Je vous envoie mes rimes. Dans ses rimes légères, il a chanté le vin et l'amour. Il est vieux.

Dictionnaire de L'Académie française 8th Edition © 1932-5

rime

Rime, f. penac. Est consonance en terminaison finale de deux ou plusieurs vers mesurez entiers ou brisez, s'entresuyvans ou intervallez, comme, Des grands forests la frayeuse espaisseur, Toy Dieu devant, m'estoit claire lueur. et, Aux assaults qu'elle me livre, Ne puis vivre, et, Comme en ces temples devots, et comme si toutes choses, Pesle mesle estoient rencloses Dedans leur premier caos, Laquelle rime est usitée és poëmes des langues vulgaires, Françoise, Espagnole, Italiene et autres de telle facture. On tient ce mot venir de ce Grec rhuthmos. Lequel signifie aussi consonance et mesme son de terminaison et cadence de deux ou plusieurs membres d'un periode, et selon cela il faudroit l'escrire par y Grec, Ryme. Car de dire qu'il vienne de Arithmos, qui signifie nombre, pource que certain nombre de syllabes est observé, retenu et suyvi en telles Rimes, cela n'approche en rien la signification que nous donnons à ce mot Ryme, et pour ce regard il ne se faudroit despartir dudit mot rhuthmos, car il signifie aussi nombre. Selon ce on dit escrire en rime, Rythmice scribere. Aucuns disent que les anciens poëtes Provensaulx ont voulu donner à entendre que c'est que Ryme, par ces deux mots couplez ensemble, son et mot; et alleguent à ceste fin Pierre d'Auvergne en une de ses chansons: Cui bon vers agrad'ausir, De mi conseilh he que 'l escout, Aquest que ora comens à dir, que pos li er'sos cors assis, Deu ben entendre 'l son e 'ls mots: Et Arnauld Daniel en une sienne chanson: Mas amors mi assauta, Qu'ils mots ab lo son accorda: Et Jaufré Rudel, aussi en une sienne chanson: No sap chantar qu'il so non dis, Ni vers trobar qu'ils mots non fa. Et ce vers de Aymeric de Belenuci: Per ço non puese mots ni sos accordar, Laquelle opinion n'est pas sans raison. Rime en ce proverbe François, Il n'y a rime ne raison, signifie verisimilitude, suyte, illation, ordre, consequence, convenance, correspondance, comme, Il n'y a rime ne raison en ce que vous dites et faites, Absonum, absurdum, haud verisimile, dissitum, inordinatum, non cohaerens ac rationis iudiciique expers est quod dicis ac facis, Rimes en pluriel, se prend pour les vers et poëmes mesmes qui sont faits en rime, ce que l'Italien observe exactement, disant, Le Rime del Bembo, del firenzuola, Et comprend soubs ce mot toute sorte de rime, sonets, chansons, madrigauls, sestines, tiercets, et autres, mettant à l'opposite ce mot prose, comme Le prose del Bembo, del firenzuola, Par lequel il entend la composition vulgaire qui n'est en Rime, ce que Marot en une de ses Epistres au Roy a observé en ce vers, Afin qu'on die en prose, ou en rimant, Le François à present n'a pas en frequent usage ce mot en pluriel, Rimes, pour les vers ou oeuvres faites en rime, ce qu'il avoit neantmoins anciennement. Marot en une Epistre au Roy le prent en ceste signification. Car vous trouvez assez de rime ailleurs et, Mais moy à tout ma rime et ma rimaille. et, Elle prendra plaisir en rime oyant.

Jean Nicot's Thresor de la langue française © 1606
Traductions

rime

Reimrhyme, rimerijm, rijmwoordחרוז (ז), חָרוּזομοιοκαταληξίαrimaримаRým운율RIMрифма (ʀim)
nom féminin
littérature sons identiques à la fin desmots
Kernerman English Multilingual Dictionary © 2006-2013 K Dictionaries Ltd.

rime

[ʀim] nfrhyme
n'avoir ni rime ni raison → to have neither rhyme nor reason
Collins English/French Electronic Resource. © HarperCollins Publishers 2005