Super Monkey Ball Banana Rumble - Critique

Le changement, c'est maintenant ?

J'étais là ! Finir les deux premiers épisodes de Super Monkey Ball, en 2002 et 2003 sur Gamecube, témoignaient de votre force de caractère - et/ou de votre masochisme - ce jeu est aussi rond et mignon que redoutable dans sa difficulté. Un principe simplissime, digne du plus basique des jeux PC : un singe dans une boule et, derrière l'écran, un autre primate qui donne des coups de joysticks pour modifier la gravité du terrain. Quelques obstacles, de la persévérance exponentielle, et c'est Goal, shoot de bonheur et envolée vers le prochain niveau.

Derrière ce principe redoutable se cachait un art discret du game-design : un niveau égal une idée, une mentalité, un concept à choper et dont la difficulté est progressive au sein même du niveau. Ces jeux, dans leur grande générosité, proposaient quelques modes cachés. Les derniers défis étaient cyclopéens, les débloquer était déjà une gageure, et nous sommes une génération entière à avoir perdu quelques années de vies sur les niveaux Master et Master EX. Saupoudrez de quelques mini-jeux rigolos et vous obtenez deux titres dont il est toujours agréable de parler vingt ans plus tard.

Entre-temps, ça périclite sévère; épisode Wii qui zigouille l'ADN avec son motion-design, épisodes hasardeux sur portables et Wii Balance Board, et plus récemment, des remakes des-dits épisodes fondateurs.

Ainsi déboule Banana Rumble, le premier épisode "original" depuis 2012 - cet épisode Switch a pour mission de proposer une formule que nous sommes nombreux à vouloir retrouver tout en adaptant au maximum aux réflexes et besoins d'aujourd'hui. C'est un grand "oui, mais", freiné par les limitations techniques de la Swich (et encore) et un peu trop d'inconstance.

Comme toujours, un Monkey Ball est livré avec un scénario 100% gratuit et aux cinématiques qu'on meurt d'envie de passer (le kit review nous demande fort de ne pas spoiler ses retournements comme s'il accompagnait The Winds Of Winter) - mais celui-ci part sur un traitement moins arcade. Pas de vies, pas de modes de difficuté avec telles successions de niveaux, mais un aventure centrale et déclinée en multi local et online. Pour la faire courte (le kit review, attention !!!!) vous récoltez des artéfacts-banane pour trouver la Grosse Banane d'Or. C'est surtout un prétexte pour créer quelques nouveaux personnages, et une trame narrative pour dix nouveaux environnements, dix "mondes" de dix nouveaux niveaux. (#dix #niveaux #nouveaux).

Monkey Ball Or et Monkey Ball Argent

Cette remarque et à moduler par deux points importants. Le premier, c'est la générosité du jeu qui, une fois bouclé - il ne faudra pas plus d'une poignées d'heures - vous renvoie cent autres niveaux EX pour enfin vous faire un peu les dents. La première moitié ne pose pas trop problème, et les choses sérieuses commencent dans la seconde, avec des pics de difficulté là et là. 200 niveaux dans un Monkey Ball, c'est sans précédent.

Les niveaux ont tous des noms ultra-factuels que j'aime répéter avec un léger accent joual.

Je vous ai fait tout un spiel pour expliquer que la qualité d'un épisode est 100% corroboré à celle de son level-design, et c'est le premier épisode depuis des lustres à revenir aux fondamentaux et retirer le saut. Vous le troquez nonobstant contre un "dash", que vous chargez - en mouvement ou pas - et qui vous propulse vers d'autres cieux. Il est très rarement nécessaire pour progresser, mais de nombreux niveaux sont plus ou moins subtilement conçus autour de cette mécanique. Généralement pour une prise de risque et un potentiel raccourci - sans les modes arcades, donc sans les portes "arrivée" plus difficiles qui font sauter des niveaux, il n'y a plus qu'un enjeu : le gain de temps.

En effet, Monkey Ball poursuit une mutation entamée avec ses deux précédents remakes - chaque niveau a trois sous-missions. Compléter sous un certain temps, avoir un minimum de bananes et choper une banane dorée, qui implique toujours une prise de risques. Toutes, plus une plâtrée de mini-objectifs, vous donnent des points qui servent à débloquer personnages, fringues, collectibles et nourrir un bananier sibyllin. C'est ce qui vous motivera, le cas échéant, à essorer les niveaux.

Mais que valent-ils en soi ? C'est très inégal, on retrouve un peu tout ce que la saga a fait de bon et de raté. Certains sont des grands espaces à parcourir sans réelle cohérence, façon Deluxe ou Adventure. Pas mal d'entre eux sont de vrais concepts avec cette philosophie d'obstacles à trois étages de difficulté à enchaîner. D'autres sont inutilement imprécis et un poil injustes, d'aucuns sont visuellement très plaisants. Un gloubiboulga plutôt tiré par le haut, qui se rapproche de la cohérence d'ensemble des deux premiers, c'est déjà pas mal.

Et surtout, on dénote un gros revirement de gameplay. Le Monkey Ball d'antan vous oblige à réussir les niveaux, même les murs, pour voir ce qu'il y a derrière. Ici, c'est la même, sans concept de vies/continue; mais avec de nouvelles options de support. Pas giga intuitives, mais complètes et malignes : trajectoire, guide vidéo, et surtout possibilité de rewind à tout moment, comme si vous prépariez un tool-assisted-speedrun. Ainsi, avec une infinité de temps et d'inputs, toute situation se débloque, même en forçant un peu le hasard ! C'est une mentalité louable et ça rend plus inclusif un jeu tout de même assez ardu.

Vilain comme un singe

Le ciel est bleu, l'herbe est verte, les bananes sont remplies de potassium et Benji râle sur les capacités réduites de la Switch : ici, c'est improbable. Avec des environnements réduits, souvent peu de choses à afficher et sur une console qui a déjà prouvé qu'elle pouvait faire de très beaux remake Gamecube, on se retrouve ici coincé entre un 15/20 FPS tout mouillé et des textures dignes du premier Tomb Raider. On ne se débarrasse jamais d'un malaise au coeur de l'expérience, puisque fortement basée sur le mouvement. C'est assez désagréable, constant, et encore une fois, se faire planter techniquement par sa propre série il y a vingt ans, c'est bien con.

De la même manière, je vous recommande le jeu à la manette : le mode motion gaming ne se trouve qu'en se lancant dans une expédition dans les options, et sans doute pour une bonne raison - et le stick des Joy-cons n'a pas la justesse et le ressort optimum pour un gameplay aussi précis. Bref, on a l'impression de régresser sur des pans fondamentaux du gameplay.

Vous pouvez joueur à plusieurs en multi local, ou sur deux Switchs.

Quand aux mini-jeux, ils sont sympathiques et fonctionnels. De quoi s'amuser un peu plus avec des modes battle déjà codifiés par le passé - course (assez bien fichue), chasse aux bananes, rien de transcendant - et tout ça s'accompagne d'un mode multi online qui va demander une mise à jour de ce texte puisque, à ce jour, je n'ai tout simplement jamais croisé une autre âme en ligne.

Verdict

Le premier "nouveau" Monkey Ball depuis plus de dix ans fait le café, respecte ses aînés et injecte de nouvelles mécaniques cohérentes et sans fioritures. Les quelques à-côté apportent un bonus bienvenu, mais l'ensemble est descendu par un bilan technique qui se fait largement planter par la Gamecube. Dommage !

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Critique : Super Monkey Ball Banana Rumble, entre traditions et modernité

7
Bon
Un épisode "nouvelle génération" volontaire et souvent astucieux, miné par une technique aux fraises. L'essentiel est là.
Super Monkey Ball Banana Rumble