Star Wars : L'ascension de Skywalker - Critique

Episode IX : La Guerre des Réalisateurs.

Ecrire une critique de Star Wars : L'Ascension de Skywalker, voilà une tâche moins ardue que de réaliser le film en lui-même, mais tout de même assez casse-tête, surtout si on ne veut rien spoiler. Faut-il se limiter aux événements du films et en extraire le sens sans en donner la forme ? Faut-il ne rien dire des films précédents ? Deux ans après on peut peut-être spoiler Les Derniers Jedi quand même ? Faut-il garder sous silence des éléments importants considérés comme spoilers par les fans qui ne regarderont même pas une affiche avant le film, alors qu'ils sont expliqués dans le texte même d'introduction du film ? Raconter les trois premières lignes de la dernière des célèbres intro Star Wars, est-ce spoiler ?

Bref, c'est compliqué. C'est pourquoi nous allons placer une borne anti-spoilers ici, avant de faire cette critique qui mentionnera ce que 95% des lecteurs savent déjà. Ainsi les 5% restants sont « safe », mais en même temps, ils n'ont probablement jamais cliqué sur cette critique, donc tout cela a été fait plus pour la forme qu'autre chose... Si jamais vous n'avez vu aucun trailer, aucune affiche et que vous ne savez RIEN du film, évitez cette critique pour le moment. N'allez pas plus bas.

Palpatine (Ian McDiarmid) est de retour. Quoi, vous le saviez déjà ? C'est vrai qu'on l'appris dans le trailer. Il est aussi sur l'affiche. Et les pubs. Abrams l'a lui-même expliqué. Mais on vous arrachera les yeux si vous le dites sur les réseaux sociaux, alors... N'allez pas croire que c'est un élément surprise au cours du scénario : comme dit précédemment, c'est annoncé dans l'intro textuelle du film. Il est vivant, et prêt à reconquérir son Empire renommé pour l'occasion le Dernier Ordre. Rey (Daisy Ridley) compte bien l'affronter avec la Résistance, mais l'ancien sénateur devenu Empereur n'a pas perdu son temps et s'annonce plus puissant que jamais. Il compte rallier Kylo Ren (Adam Driver), mais ce dernier se laissera-t-il faire ? Là, on est toujours dans le texte d'intro, hein.

S'ensuit une succession d'événements tellement rapides et intenses qu'après une demi-heure on arrive à reprendre notre souffle en nous demandant « mais que se passe-t-il dans ce film ? » On navigue pendant plus de deux heures entre le jeu du chat et de la souris de Rey et Kylo Ren, et l'affrontement de la Résistance avec le Premier Ordre en passe de devenir le Dernier Ordre, le tout dans un concentré de décors, de personnages, de scènes typiquement Star Wars plus ou moins inspirés des films précédents. On ne parle pas ici de références et de clin d’œils - ceux-là sont en sus, gros comme des maisons « in your face » - mais bien de resucée. On sait J.J. Abrams fanboy de la licence, respectueux à outrance, et désireux de livrer ce que tout le monde veut voir et retrouver de sa propre expérience Star Wars passée, ce n'est donc pas très surprenant. C'est ce qu'il a déjà fait pour Le Réveil de la Force, et si vous avez aimé cette alchimie, vous allez être servi. Pour les autres, cela ressemblera probablement plus à un spécial avec beaucoup trop de guest stars.

En ce qui concerne le fond de l'histoire et le dénouement de la saga, on ne peut pas dire que l'on soit très surpris, ni par les révélations, ni par les choix des personnages, ou bien leurs conséquences. On pourrait se montrer déçus, mais vu la difficulté évidente pour terminer tout ce bazar (c'est affectueux), on est bien content d'avoir ce final attendu - dans tous les sens du terme. La relation entre Rey et Kylo Ren est au cœur du scénario, et Abrams et son co-scénariste Chris Terrio arrivent vraiment à lui donner corps, utilisant tous les éléments à disposition. Par exemple en développant le fameux lien de la Force qui les unit, vers des sommets qui risquent de priver d'oxygène certains fans. Malgré le nombre de personnages à traiter - les nouveaux, humains ou droids, sont bien obligés de passer un peu à la trappe - nous avons même droit à quelques scènes authentiquement émouvantes. Une en particulier pour nous, mais ce ne sera pas forcément la même pour tout le monde.

Sur la forme, Star Wars : L'Ascension de Skywalker est plus problématique. A chaque scène son étonnement : « ah bon ? », « mais pourquoi ? », « depuis quand ? » sont les interrogations qui remplaceront souvent les « wahou », « génial » et autres validations exclamatives espérées. Parfois c'est à cause d'une énième grosse ficelle dans le scénario qu'il faut vite (vite, vite, 50 autres scènes attendent derrière !) faire semblant d'accepter, d'autres fois la surprise n'est pas si négative ou confuse : on nous dévoile juste quelque chose de tout à fait inédit, qui arrive un peu comme un cheveu sur la soupe en cette fin de saga, mais qui est tellement cool qu'on ne refusera pas le cadeau. Vous avez peut-être vu l'extrait « Ils volent maintenant ? » où les héros s'étonnent des nouveaux jetpack des Stormtrooper (il est juste ci-dessous). En tant que spectateur, ce sera votre sensation à de nombreuses reprises et ce n'est pas toujours désagréable - surtout que cela donne lieu à quelques scènes des plus épiques qui vous feront crier « Quoooiii ??? » dans votre tête, et peut-être bien dans la salle de cinéma même.

Plus embêtant, il faut bien avouer que les combats spatiaux comme ceux au sabre laser sont décevants. Les premiers sont moins nombreux qu'espérés et ne coupent le souffle à aucun moment. Les seconds sont bourrins au possible, comme si des personnages de jeux de baston spammaient inlassablement les deux mêmes attaques. On ne va pas tout à fait regretter les pirouettes et les chorégraphies qui passent à 50 cm de la cible vues dans la prélogie, mais un poil de grâce n'aurait pas fait de mal. Kylo en est capable, mais apparemment uniquement lorsqu'il affronte de la chair à canon. Enfin dans le registre des déceptions, on peut aborder les apparitions de Leia. Evidemment, là encore, J.J. Abrams et son équipe on fait au mieux. Mais en découpant Carrie Fisher de scènes non utilisées et en les intégrant au film, les dialogues sonnent très souvent artificiels et on comprend vite qu'ils sont construits autour des réponses déjà enregistrées de Leia. Cela reste nostalgique de l'entendre...

Enfin, pour ajouter un défaut dont on n'avait pas besoin à ce dernier film : il faut se coltiner la guéguerre entre J.J. Abrams et Rian Johnson. Si le réalisateur du Réveil de la Force est toujours resté poli dans ses déclarations sur le film Les Derniers Jedi et les choix scénaristiques de ce dernier, son nouveau film L'Ascension de Skywalker parle de lui-même : pas question de valider la direction prise par Rian Johnson. Plusieurs dialogues, plusieurs scènes semblent exister uniquement pour enterrer ses idées et ses décisions. C'est comme si Abrams s'adressait directement à Johnson dans certains plans et on a physiquement mal pour Rian, le mal aimé d'une grande partie des fans. IGN France a adoré la vision épique des Derniers Jedi, mais on était loin de se douter qu'elle frustrerait autant Abrams - de notre point de vue - , qui donne la forte impression d'avoir prévu son scénario de bout en bout depuis le début, et auquel il se raccroche coûte que coûte ici. On se dit que l'on pourrait presque sauter de l'épisode 7 à l'épisode 9 sans trop de difficultés de compréhension. Bien entendu, cela passera au dessus de la tête d'une grande partie du public, qui sera ravi de voir une continuité globale sans noter l'effritement du scénario sur la dernière trilogie.

Mais est-ce qu'Abrams avait parlé du retour de Palpatine à Johnson ? Est-ce que ce dernier n'en pas réellement trop fait à sa tête ? On a tendance à penser, avec du recul sur l'ensemble des films, que l'idée de faire revenir ce méchant ultime, qui complote depuis l'épisode 1, s'avère totalement légitime - le contraire aurait été « bizarre », comme l'avait dit Abrams en interview -. Le fait que le film démarre sur l'annonce du retour de ce personnage laisse d'ailleurs penser qu'Abrams comptait probablement le faire revenir dès l'épisode 8. Cela explique aussi le début précipité de L'Ascension de Skywalker, comme s'il fallait résumer ce film qui n'avait jamais vu le jour en une demi-heure. Cependant, ce retour de Palpatine semble aussi logique parce qu'on nous a subitement vendu la dernière trilogie comme la fin de la saga Skywalker - alors que personne n'avait jamais appelé l'ensemble des neuf films « la saga Skywalker » auparavant. Ce nom séduisant a tout de suite pris (et même chez nous, il faut le dire). Au tout début de cette ultime trilogie, il était pourtant question d'une aventure où les anciens héros étaient en retrait. On se retrouve en fait avec un étrange mélange des deux.

Verdict

Plus clivant que jamais, le dernier Star Wars de la trilogie, de la saga, de J.J. Abrams, ne nous fera pas nous triturer les méninges pour savoir « à qui il plaira ». On pourra en débattre des années : les fans sont devenus trop divisés, les ego trop imposants et les neufs films trop difficiles à jongler. Disons simplement que L'Ascension de Skywalker est un bon film d'action qui boucle comme il peut - c'est à dire de la manière la plus sécurisée et prévisible - une saga devenue incontrôlable. On peut préférer la vision de Rian Johnson ou celle de J.J. Abrams, le mieux aurait été de donner toute la trilogie à l'un ou à l'autre, on y aurait gagné en clarté et en cohérence, sans subir cette chamaillerie de réalisateurs. Ou bien fusionner ces deux extrêmes pour un résultat parfait ? Au final, la seule chose certaine et absolue, c'est que côté gags et répliques, Abrams est tout de même beaucoup plus drôle que Rian Johnson. Et là dessus, vous ne pourrez pas nous faire changer d'avis.

Dans cet article

Star Wars : L'ascension de Skywalker

Bad Robot Productions | 18 décembre 2019

Star Wars L'Ascension de Skywalker : une Guerre des Réalisateurs pour la fin de la saga - Critique Ciné

7
Bon
Une fin de saga divertissante et extrêmement rythmée, qui ne manque pas d'action et d'émotion, mais certainement de cohérence. La faute à une guéguerre des réalisateurs qui effrite bel et bien le scénario quoi qu'en diront les responsables.
Star Wars : L'ascension de Skywalker