#DRCL Midnight Children, un vampire éternel dans la modernité

Derrière le rideau des ténèbres.

Célébré par une superbe expo à l'occasion du dernier festival d'Angoulême (nous étions à sa masterclass), le nouveau titre de Shin'ichi Sakamoto, #DRCL Midnight Children est une petite merveille sur laquelle nous devions nous attarder un peu plus.

Y'a t-il plus beau glow up que celui de Shin'ichi Sakamoto ? Un artiste qui passe des shônen de bagarre bas du front (vous vous souvenez de Nés pour cogner ?) à des biographies romancée et des adaptations de romans classiques dans un trait inimitable ? Clairement pas non. Sakamoto est un dieu du manga, il dessine comme personne d'autre des oeuvres entre violence et sensualité érotique. Redécouvert sur Ascension, un manga où l'alpinisme était d'une intensité rare, il a fait un doublé avec Innocent et sa suite, l'histoire des bourreaux de la famille Samson, et maintenant le triplé avec #DRCL Midnight Children (c'est comme FLCL, on comble les trous et ça donne Dracula), adaptation à sa sauce du classique Dracula de Bram Stocker.

Mina Murray est une jeune fille rousse intelligente faisant ses études à l'école Whitby. Femme, elle est rabaissé par ses camarades qui lui rappelle constamment son statut et son infériorité. Pourtant elle les retourne littéralement au Catch, (enfin le CACC, la forme anglaise historique de ce sport) et c'est d'ailleurs sans doute pour ça qu'ils l'ont mauvaise pour commencer. Un soir alors qu'elle est une nouvelle fois victime de leurs brimades, ils aperçoivent au loin un bateau heurter le port. Dans le même temps une créature vient tenter d'enlever l'un d'eux avant de prendre la fuite en échouant.

Batman est très jaloux

Reprenant les bases du récit de Stocker, Sakamoto ajoute à son horreur gothique une touche de modernité en inscrivant son récit dans un univers scolaire, lui permettant de porter des thématiques entre féminisme, harcèlement et LGBT (plutôt que de parler d'anachronisme, disons qu'il fait exister des problématiques absente d'une époque victorienne dominée par les hommes). Hormis cette bravade, le manga reprends les personnages du roman original avec comme héro, non pas Jonathan, mais sa femme Mina. Sauf qu'ici, ces liens n'existent pas encore puisqu'ils sont encore à l'école. On retrouve donc Mina, Arthur et Morris mais aussi un petit nouveau, Jo Suwa, Jonathan étant toujours en Transylvanie.

Du reste, l'arrivée en Angleterre de Dracula fait écho au modèle, à bord du Demeter, dans des boîtes remplies de terre. Sakamoto insiste sur l'aspect magique et intangible du vampire, capable de métamorphose pour devenir, chien, chauve-souris ou même fragile rideau nocturne. Tout cela est sublimé par un dessin à tomber, dont des doubles-planches complètement folles ou l'auteur déconstruit l'anatomie du comte, le transforme en puzzle d'organes qui change de forme et se reconstitue à loisir.

C'est un style qui frôle l'eroguro, Sakamoto trouve de la beauté et de l'éros dans le macabre et l'horrible. Un peu comme dans Innocent, il met en avant les corps dénudés des personnages, révélant leur fragilité diaphane et la sensualité des courbes... masculines ! C'est notamment le cas du mystérieux Luke, première proie du comte. le mangaka joue à fond la carte de l'étrangeté véritable, celle qui dérange, ces instants où ça dégoûte et fait grincer des dents, met mal à l'aise. Et ça ne fonctionne que trop bien ici, encore plus avec un dessin accentuant à ce point le clair-obscur permanent, avec des noirs très marqués profond, marquant cette dualité entre l'ombre et la lumière.

Un vampire n'entre que s'il y est invité évidemment.

Ce premier volume n'est qu'un avant goût mais Sakamoto réussit à dépoussiérer l'histoire du vampire la plus classique d'entre toute en étant à la fois fidèle et innovant. Déjà un classique, #DRCL Midnight Children est un des mangas phares de ce début d'année 2024, le tome 2 sortira en mai chez nous, 4 tomes sont d'ores et déjà sorti au Japon.


Damien Hilaire est rédacteur Freelance chez IGN France. Son dada c'est Godzilla, les robots géants et les animes. Quand il ne monte pas de maquettes il inonde les réseaux de ses lectures et visionnages ici : Twitter.