Divinity : Original Sin 2 - Critique

Larian's epic sequel is one of the best RPGs of the decade.

Traduit de l'anglais par IGN France.

Certains rats n'entendront jamais raison. L'autre jour, j'en ai rencontré un au sommet d'une volée d'escaliers, et ce dernier m'a demandé si les créatures zombiesques crucifiées juste en dessous de nous étaient dangereuses, ce à quoi j'ai répondu par l'affirmative. Mais ce vaurien s'est imaginé que je mentais dans mon propre intérêt, et a décidé de les attaquer... avant de finir grillé par les éclairs qui jaillissaient de leurs bouches. J't'avais prévenu p'tit gars. Moi qui avais toujours imaginé que converser avec des animaux m'ouvrirait les portes d'une profonde sagesse, j'ai été forcé d'admettre que de telles interactions dans Divinity : Original Sin 2 prouvaient surtout qu'ils étaient aussi stupides que nous.

De tels moments font partie des raisons principales qui me font tant aimer la nouvelle aventure de Larian Studios. Il s'agir de l'un des plus brillants RPGs sortis depuis des années, surtout si vous êtes fan de l'approche isométrique "à l'ancienne" adoptée par l'incontournable Baldur's Gate qui a contribué à définir ce genre au début des années 90. Mais à la différence de (l'excellent) Pillars of Eternity d'Obsidian, la copie appliquée et inspirée n'est pas ici l'objectif principal. Divinity : Original Sin 2 est une œuvre magistrale où l'excellence rayonne à tous les niveaux, qu'il s'agisse de ses larges possibilités en matière de choix de personnage, de son système de combat gratifiant où de toutes ces petites interactions, comme ma discussion avec le rongeur, qui rendent son monde faisant la part belle à la Fantasy aussi fantastique que crédible.

N'allez pas imaginer que tout cela se résume à des conversations avec des rongeurs. Il s'agit avant tout d'une grande aventure, remplie de bizarreries high-fantasy qui affectent le monde dans lequel vous évoluez, et qui repose moins sur les absolus tolkieniens que sur la morale plus sombre et nuancée qui rend les univers de Dragon Age et Game of Thrones si attrayants. Original Sin 2 a des revendications importantes au sujet de la marginalisation et de l'exclusion, en choisissant de se concentrer sur les personnages connus sous le nom "magiciens de la Source", asservis par le reste du monde grâce à des colliers magiques qui le protège de leurs capacités uniques. Si vous découvrez la saga, inutile de vous inquiéter quant à l'univers dépeint par le premier volet sorti en 2014. Cette suite prend place des siècles plus tard, le contexte de l'époque et les personnages de Divinity : Original Sin sont entrés dans la légende, et cette nouvelle aventure développe avec brio sa propre intrigue.

Le récit en lui-même alterne de façon remarquable moments graves et légers, un équilibre délicat qui manquait parfois dans le premier Divinity : Original Sin. Il s'avère aussi extrêmement riche, des descriptions du narrateur aux réponses les plus personnalisées des races spécifiques ou des personnages entièrement doublées. Cette qualité s'étend aussi aux qu��tes secondaires, qui se distinguent non seulement par leur écriture, mais aussi par la façon dont elles se découvrent. Comme pour beaucoup d'autres choses dans ce monde, Original Sin 2 vous encourage à expérimenter et à les chercher dans les endroits les plus étranges, étant donné qu'elles ne se matérialisent pas par un point d'exclamation jaune au dessus d'un PNJ. Parfois, vous tomberez sur le fantôme d'un chevalier empalé depuis des siècles en jouant à cache-cache avec l'enfant sur lequel vous avez cliqué par pure curiosité.

Pour ne rien gâcher, Original Sin 2 s'avère aussi graphiquement somptueux que n'importe autre jeu de sa trempe. Tout à l'écran témoigne de l'attention extrême apportée aux détails et au placement, de l'agencement délicat de la végétation sur une plage de sable aux animations d'un dragon Hiver (winter dragon) reconnaissant après avoir été libéré de ses chaines. Le titre s'avère aussi magnifique en offrant une importance particulière aux petites histoires des objets et PNJs, quand d'autres jeux du genre les utilisent à des fins purement "décoratives". Parler à un personnage aléatoire peut vous permettre de découvrir des histoires touchantes, qui, si elles n'ont aucune incidence sur l'intrigue, n'en restent pas moins particulièrement émouvantes et enrichissantes. Les animaux, comme mentionné plus haut, vous offrent souvent une vision complètement différente des évènements si vous disposez du talent "Ami des Bêtes" (Pet Pal) vous permettant de leur parler. Fouiller les environnements à la recherche de ces petites merveilles représente l'un des meilleurs moments offerts par Original Sin 2.

D'autres RPGs réussissent aussi cela, mais Original Sin 2 parvient à se distinguer grâce à son intrigue bien écrite prenant place dans un monde vivant qui vous offre une liberté et une flexibilité impressionnantes. Il ne suffit pas de discuter ou de combattre pour mettre un terme à la plupart des conflits : au lieu de cela, le jeu vous permet d'utiliser des tactiques peu conventionnelles comme des sorts de téléportation pour contourner les énigmes et les PNJs excessifs. Vous incarnez un personnage dont les pouvoirs affectent le monde qui l'entoure, mais vous avez l'agréable sentiment que le monde imaginé par Larian n'est pas là uniquement pour répondre à vos caprices. Parfois, un PNJ jouant un rôle clé dans l'une des quêtes secondaires au long cours peut par exemple mourir lors d'une rencontre fortuite si nous n'intervenez pas assez rapidement, ce qui vous empêchera de connaître la suite des évènements jusqu'à ce que vous recommenciez (ou rechargiez) une partie.

Peu de jeux modernes sont assez courageux pour bloquer des contenus majeurs comme celui-ci en fonction de vos décisions ou de celles de vos partenaires, et cette approche donne à ces choix une importance cruciale. Plus impressionnant encore, les solutions créatives et les interactions désastreuses comme celles-ci n'entravent jamais votre capacité à compléter la quête principale, ce qui sous-entend que Larian a réfléchi à toutes les conséquences possibles découlant de l'approche que vous choisissez pour terminer une quête. Tout cela participe grandement à rendre ce monde réaliste et crédible.

En réalité, ce degré de liberté peut même causer des frictions si vous jouez en mode coopératif (jusqu'à 4 joueurs), surtout en sachant que vos acolytes peuvent - comme dans la vraie vie - choisir de fuir ou vaquer à leurs occupations, et ainsi changer complètement la façon dont vous gérez vos affaires. Les PNJs essentiels à la réalisation de certaines quêtes peuvent mourir pendant que vous vendez votre camelote en ville. Différents joueurs peuvent récupérer les diverses pièces d'une armure maudite qui ne représente un intérêt que lorsqu'elle est portée par un seul joueur, et les bonus qu'elle offre deviennent inutiles si vous ne parvenez pas à vous mettre d'accord à ce sujet. Et, naturellement, il arrive parfois qu'ils refusent de vous prêter main forte lors d'un combat, ce qui rend votre victoire encore plus hypothétique que lorsque vous sélectionnez le (déjà très exigeant) mode normal.

Parmi les nombreuses choses intéressantes que propose Original Sin 2, l'arrivée du mode "Maître du Jeu" qui vous permet de créer en temps réel des scénarios personnalisés avec vos amis (à la manière du Maître de Donjon lors d'une partie papier/crayon de Donjons et Dragons), qui s'avère particulièrement amusant et décuple la rejouabilité du titre une fois l'histoire principale bouclée. J'ai toutefois constaté que le caractère imprévisible du mode campagne coopératif standard retranscrivait aussi l'approche unique qui rend Donjons et Dragons aussi amusant, bien que, comme pour tout jeu nécessitant une équipe soudée et coordonnée pour réussir, vous profiterez mieux de ce mode coop en jouant avec des amis en qui vous avez confiance, plutôt que des joueurs aléatoires croisés dans le lobby du jeu.

Les tensions raciales et les compétences innées permettent à chaque de personnage de se différencier

Les points forts de l'approche très libre d'Original Sin 2 se révèlent dès l'écran de création de personnage. Vous pouvez choisir de jouer l'une des cinq races - humain, elfe, mort-vivant, lézard et nain - et sélectionner votre classe parmi un nombre vertigineux de modèles prédéfinis comme le Sorcier ou le Métamorphe, sachant que ce dernier vous permet de changer d'imposantes bestioles en poulets, ou de transformer leurs bras en tentacules. Un peu trop farfelu à votre goût ? La bonne nouvelle reste qu'Original Sin 2 adopte un système de classe ouvert, afin que vous puissiez devenir quelque chose de différent en fonction des sorts que vous apprenez et des points que vous attribuez à votre personnage. Et il ne s'agit pas de simples choix cosmétiques : les tensions raciales et les compétences innées des héros permettent à chaque de personnage de se différencier des autres, et créer une équipe constituée d'un membre de chaque race démontre toute l'utilité de la diversité. Les PNJs elfes seront pas exemple plus disposés à vous venir en aide ou à accéder à vos requêtes si vous avez l'un de leurs représentants dans votre équipe, et la simple présence d'un mort-vivant pourra irriter sérieusement certains PNJs qui répondront alors sèchement aux autres personnages.

Vous pouvez créer des personnages entièrement personnalisés si vous le souhaitez, mais je trouve qu'Original Sin 2 s'apprécie pleinement lorsque votre choix se porte sur l'un des six personnages "Origine" pré-conçus qui profitent de leur propre histoire. Tout simplement parce que chacun d'entre eux bénéficie d'une large palette d'options de dialogue personnalisées (et de ce fait de réponses entièrement doublées lorsqu'ils interagissent avec les PNJs). Prenez Sebille : une elfe dangereuse qui souhaite se venger du lézard qui l'a asservie et forcée à commettre des actes innommables. Elle grave le nom de ses victimes sur ses bras et - comme tout bon elfe évoluant dans un univers dark-fantasy - peut aussi mâchouiller les membres de ses victimes pour en apprendre plus sur la vie passée de leurs malheureux propriétaires. Vient ensuite Lohse, une âme malheureuse dont le corps est soumis aux pires sévices par des démons et esprits, ce qui la pousse à péter les plombs durant les moments les plus inopportuns. Mon préféré reste sans aucun doute Fane, un mort-vivant érudit âgé de plusieurs milliers d'années (qui s'exprime bizarrement avec une diction décidément non skeletoresque). Les nuages de gaz qui peuvent tuer les autres de votre troupe ne le dérangent absolument pas - bien au contraire, puisque ce dernier se soigne en avalant du poison et en inhalant ces volutes toxiques. Il peut également crocheter des serrures à l'aide de ses doigts osseux. Mais ces compétences ont un prix : lorsqu'il se pavane sans casque ou masque magique, Fane peut terrifier les PNJs clefs et les pousser à l'attaquer... ou à déguerpir.

Les personnages "Origine" que vous ne choisissez pas pourront devenir vos potentiels compagnons. Mais leurs objectifs et ambitions respectives peuvent créer des tensions, et il est parfois amusant (et terrifiant) de les voir entrer en conflit. Prenez l'exemple de Sebille. Le Prince Rouge, un lézard qui traque des "Rêveurs" dont les visions peuvent lui permettre de mieux protéger son empire, trouve finalement un de leurs représentants à proximité d'une plage. Mais il se trouve que Sebille souhaite aussi discuter avec ce Rêveur. Je l'autorise à le faire, et cette dernière tranche la gorge du malheureux à la grande colère du Prince Rouge. Il s'avère que j'aurais pu éviter ce carnage en refusant d'accéder à la requête de Sebille. Des évènements similaires peuvent même avoir des conséquences dévastatrices si vous n'effectuez pas de sauvegardes régulières, mais j'apprécie le fait qu'ils vous forcent à prendre des décisions minutieuses lorsque vient le moment de choisir à qui confier une quête.

Si Original Sin 2 profite d'intrigues et de quêtes fortes, il n'en reste pas moins un jeu tactique qui encourage l'expérimentation. Il rejette volontairement le format RPG temps réel avec pauses défendu par nombre de ses pairs en faveur d'un système au tour par tour où les points d'action limités des personnages exigent des décisions éclairées en ce qui concerne les capacités à utiliser en fonction de la situation. Ces décisions sont rendues encore plus compliquées par un environnement beaucoup plus complexe que ceux proposés par les ténors du genre produits par BioWare ou CD Projekt RED. Le genre de jeu dans lequel vous pouvez ordonner à votre mage télékinésique de lancer un rocher sur un gredin se tenant au milieu d'une flaque d'huile pour l'assommer, avant d'utiliser quelques flèches enflammées pour le faire roussir - puis chasser un archer de son perchoir en le téléportant dans les flammes (tirer avantage de la verticalité faisant aussi partie des nombreuses possibilités disponibles). C'est aussi un jeu où vous pouvez "soigner" les PNJs morts-vivants jusqu'à la mort, ou geler des géants imprudents qui ont eu la mauvaise idée de franchir une étendue d'eau pour vous atteindre. Que vous jouiez à la manette ou au clavier/souris, vous vous rendez rapidement compte de l'efficacité redoutable de ces mécaniques, et élaborer une stratégie particulièrement ingénieuse vous procure un sentiment d'accomplissement bien plus puissant que lorsque vous faites usage de la force.

Mieux encore, ce genre de plaisirs ne se limitent pas uniquement à la campagne. Original Sin 2 propose aussi un mode Arène qui vous permet d'affronter d'autres joueurs en PvP à tout moment.

Il m'est certes arrivé de constater quelques petits bugs, mais il s'agissait de problèmes mineurs, comme des PNJs refusant de me parler ou des énigmes ne pouvant se résoudre sans recharger une partie. Ces petits désagréments symbolisent à merveille la fonctionnement global d'Original Sin 2, tant et si bien que je demandais parfois s'il s'agissait d'un bug ou si je devais d'abord lever une malédiction pour pouvoir m'y attaquer. De toute façon, Larian a rapidement mis en ligne des correctifs efficaces pour remédier à ces problèmes.

Verdict

Divinity : Original Sin 2 a peut-être été conçu dans l'esprit des RPGs vieux de plusieurs dizaines d'années comme Baldur's Gate 2, mais cet héritage sert surtout de fondation à ce jeu massif développé par Larian. Peu d'autres RPGs peuvent se targuer d'offrir une telle flexibilité tout en proposant des combats aussi gratifiants et une intrigue aussi puissante, au sein d'un monde régi par des interactions qui le rendent à la fois vivant et crédible. C'est l'un des rares RPGs qui me pousse à multiplier les parties, guidé par le sentiment qu'il me reste encore beaucoup de chemins aussi fascinants que surprenants à découvrir, dont certains pourraient changer à jamais la destinée des PNJs que j'ai appris à aimer - y compris les rats. Lorsque cela se produit, vous vivez un moment particulièrement marquant, et Divinity : Original Sin 2 restera dans les mémoires comme l'un des plus grands RPGs jamais sortis.

Dans cet article

Divinity : Original Sin 2

Larian Studios | 14 septembre 2017
  • Plate-forme / Sujet

Test Divinity Original Sin 2

9.6
Excellent
Avec son large éventail de choix importants, Divinity : Original Sin 2 restera dans les mémoires comme l'un des plus grands RPGs jamais sortis.
Divinity : Original Sin 2